29 septembre 2015

Until Dawn - Ces soirées-là...


- Pas de spoilers -

Un jeu vidéo inspiré du genre slasher, voilà une idée amusante. Dans la lignée des jeux de Quantic Dream, Until Dawn mise tout sur le concept "film interactif" et sur ses multiples fins possibles. Si les jeux de cette trempe proposent souvent des scénarios sérieux pour toucher le joueur, Supermassive Games ont vendu leur bébé comme quelque chose de divertissant... comme un slasher,  en fait, qui ne fait que très peu dans la profondeur des personnages puisque seule la façon dont ils vont mourir (ou pas) nous intéresse.

Pourtant, ici il ne s'agit pas d'être un spectateur amusé, on passe de l'autre côté de la barrière.
Au fil de cette nuit, vous incarnez tour à tour 8 personnages isolés dans un chalet et poursuivis par un tueur fou. Vos choix successifs décident de qui vivra et qui mourra, sachant que tout est possible : vous pouvez sauver ou tuer l'intégralité des personnages.

Until Dawn s'annonce donc comme un slasher et même s'il reprend tous les codes ayant fait le bonheur de la fin des 90's, il reste ancré dans notre époque par ses références. Les chapitres de l'histoire sont ici appelés "épisodes" et effectivement, nous avons régulièrement droit à un résumé des épisodes précédents... Ce qui, l'air de rien, nous met dans la tête qu'on est dans une série, que le passé est maintenant immuable et qu'il aura des conséquences.

Les personnages composent la parfaite brochette habituelle : le beau gosse viril, le bon pote un peu torturé, la cheerleader pétasse, l'égoïste qui manipule les gens, son petit ami en manque de considération, le gentil geek, la littéraire toute douce et la courageuse bonne copine. Sur les 8 heures d'une partie, on incarne chacun d'entre eux plusieurs fois et même si aucun n'est vraiment inintéressant, ils ne sont pas tous attachants et une certaine hiérarchie s'impose. Les personnalités ont certes du relief mais il est difficile d'avoir vraiment envie de sauver tout le monde. J'ai vite eu hâte que l'un des personnages disparaisse tellement il (elle, en fait) était antipathique ! A côté de ça, deux personnages sont clairement des protagonistes non avoués, par leur personnalité, le temps de jeu qui leur est accordé et leur espérance de vie. Niveau casting, Hayden Panettiere (Heroes) et Rami Malek (Mr Robot) sont les têtes connues mais n'empêchent pas leurs camarades de se montrer à la hauteur.


Même si le nombre de personnages varie fatalement d'une partie à l'autre, la durée de l'histoire ne bouge pas tant que ça. Pour des raisons évidentes, la trame reste inchangée et la plupart des morts possibles n'ont lieu que dans les deux derniers épisodes. Mais attention, elles résultent quand même souvent de choix faits plus tôt.

L'introduction qui sert aussi de didacticiel se déroule un an avant que la bande se retrouve au chalet. L'issue de ce chapitre est la même pour tous les joueurs, pourtant cette intro est déjà assez immersive pour qu'en refaisant le jeu, on ait envie de la rejouer, avec l'espoir stupide de pouvoir changer quelque chose. Car l'histoire est prenante et moins légère que ce à quoi je m'attendais. Ça fait plaisir que le scénario ne soit pas là que pour servir le concept.

Et quel concept. Plus que jamais, l'immersion et le réalisme sont les maîtres mots (j'aime bien cette expression, ça fait sérieux) d'Until Dawn.

Avec les graphismes, d'abord, qui sont saisissants. Les textures et visages ultra réalistes sont monnaie courante aujourd'hui et Supermassive Games ne dérogent pas à la règle. On voit les irrégularités de la peau, les micro-expressions retranscrites sont bluffantes, les regards sont habités. Nan, vraiment, c'est beau.


Avec le gameplay ensuite, qui nous permet de faire nos choix en basculant la manette, si on le souhaite. J'ai choisi les joysticks parce que je ne savais pas trop à quoi m'attendre... et que ça m'aurait un peu énervée de tuer un personnage en éternuant. Il y a aussi les inévitables séquences de QTE, assez hardcore pour certaines et justifiées par le fait qu'on aurait pas plus d'1 seconde pour réagir dans la vraie vie. A côté de ces séquences, il ne faut pas rechercher l'action dans Until Dawn, du moins hors cinématique. On marche beaucoup, plus ou moins vite. Impossible de courir et c'est même un peu aberrant dans certaines situations. "Menace à mes trousses ou pas, faudrait pas risquer le point de côté, non plus !"

L'ennui est évité grâce à pas mal d'objets sur notre chemin. Beaucoup servent à enquêter plus profondément sur 3 aspects de l'histoire. Sous leurs airs dispensables, ces objets sont importants et peuvent guider nos choix... quand on prend la peine de s'y pencher. On trouve aussi des totems grâce auxquels on visualise 1 seconde de l'avenir potentiel d'un personnage. S'ils ne sont pas très utiles pour nous aiguiller car l'image est brouillée, ils ajoutent à la sensation de danger et enfoncent le clou de l'effet papillon.



L'immersion réside aussi dans la durée d'une partie : 8 heures représentent une nuit de 10 heures pour les personnages, découpée en 10 chapitres. C'est presque du temps réel et c'est fichtrement chouette pour le réalisme. Sachant que la partie ne peut pas se rallonger en rejouant les séquences : pas de game over et pas de checkpoints. Ce qui est fait est fait.

Comme beaucoup de jeux cinématographiques, Until Dawn offre un écran de jeu dénué de toute jauge ou information superflue qui nous rappellerait que c'est un jeu. Cependant, des écrans annexes permettent de suivre l'évolution de notre partie : des inventaires reprennent les totems ramassés et les objets analysés, un suivi "effet papillon" relie nos choix et leurs conséquences et les jauges de caractère/affinités des personnages évoluent au fil du jeu.

Enfin, cette immersion est quasi totale quand on se rend compte qu'on fait bien plus que choisir pour ces 8 personnages. Nos choix influent sur qui survit, oui, mais pas que... Le jeu contient des scènes géniales à double interprétation et joue sur tous les fronts pour faire en sorte que tout le monde se sente un peu mal à l'aise, à un moment où à un autre. Si on joue le jeu, le jeu se joue de nous. Et c'est cool.


Malgré tout, on peut avoir quelques petits regrets. 

D'abord, ces quelques enfoncements de portes ouvertes pour que le joueur comprenne bien l'un des twists. Ça sent très fort la production qui a insisté auprès des auteurs pour ajouter des indices parce "qu'ils ne faut pas prendre les gens pour des cons... mais il ne faut pas oublier qu'ils le sont".

Ensuite, la trame unique, bien qu'indispensable, nous pousse parfois à choisir entre deux interactions aussi bêtes l'une que l'autre. Ou à marcher en direction d'un coin sombre et humide, nous poussant à retrouver nos réflexes de spectateur ("Mais va pas par lààà, voyooons..."). 

Certains liens cause-conséquence sont parfois un peu incongrus et pas évidents à comprendre. De même, certains QTE ont un rôle beaucoup trop décisif... Mais quelque part, c'est un mal pour un bien : ça donne un effet papillon parfois absurde et inimaginable, à long et court terme, comme dans la vie. Un truc tout con peut avoir des conséquences folles. Pensez-y la prochaine fois que vous hésiterez entre mayonnaise et sauce samouraï.

Si tant est que ces quelques défauts en soient vraiment, ils sont complètement rattrapés par le fond dramatique de l'histoire. Et par les 5 dernières minutes du jeu, qui arrivent presque par surprise et qui vous testent une dernière fois... avant l'aube. 



Photos : ©Sony Computer Entertainment

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