18 novembre 2016

The Talos Principle - To be or not to be


- Pas de spoilers - 

Lorsque l'on parle de jeu de réflexion ou de "puzzle game", Portal est un nom qui revient souvent. Le premier jeu (2007) et surtout sa suite (2011) ont un peu démocratisé le genre grâce à leur univers dystopique, leur humour noir, leurs personnages/objets cultes et des énigmes parfois tendax-tendax. Depuis, aucun jeu à ma connaissance n'a vraiment été comparé à Portal.
Et puis fin 2014, Croteam, un studio croate, a sorti The Talos Principle sur PC avant de le transposer sur Playstation 4 il y a un an. Malgré les avis dithyrambiques sur les sites spécialisés, il est resté plutôt confidentiel. Je vais vous dire pourquoi c'est très injuste.

Fondu au blanc. Après ce qui semble être le lancement d'un programme informatique, nous ouvrons les yeux dans un jardin gréco-romain. Là, une voix divine retentit de nulle part : ce charmant monsieur s'appelle Elohim et il est notre créateur. Très vite, nous apprenons que notre mission consiste à collecter des sigils (des pièces de Tétris, en fait) disséminés dans chacune des "salles". Collecter les sigils et donc résoudre les énigmes nous permettra d'avancer et, chose plutôt intéressante, d'accéder à la vie éternelle. Soit. A l'instar de Portal, nous sommes lancés dans le jeu sans vraiment savoir ce que nous faisons là ni qui nous sommes, à part que nous sommes... un androïde.


Ce qui frappe lors de nos premiers pas, c'est que l'enrobage est superbe. J'ai rarement vu des décors aussi beaux. Au-delà de leur réalisme incontestable, les architectures reproduites (celles de plusieurs grandes puissances historiques) et la nature qui les entoure sont magnifiques. Pour tout vous dire, il m'est arrivé une bonne dizaine de fois de dévier de ma mission pour me promener partout et contempler une vue à couper le souffle, baignée d'une lumière parfaite. Les petites touches de monde moderne et de technologie qui contrastent avec ces paysages révolus ajoutent un petit je-ne-sais-quoi à la fois agréable et troublant. A noter que ces décors regorgent d'easter eggs, pour les plus patients d'entre vous !

De la même façon, l'ambiance musicale est très réussie. Dès le menu, ce qu'on nous a vendu comme un jeu futuriste nous enveloppe de chants religieux imposants mais apaisants, si bien qu'on se demande déjà un peu ce qui se passe. Comme tous les jeux d'énigmes, The Talos Principle est fait de longues phases de réflexion, de plus sans cinématique. Malgré ça, la bande originale n'est jamais lassante, elle est discrète tout en sachant parfois nous faire sortir de notre réflexion pour tendre l'oreille. Car certains passages rappellent agréablement - sans les plagier - d'autres compositions. Comme un petit air de The Truman Show, un petit rien d'Interstellar ou un petit truc de Dr House...
J'attribue une mention spéciale à un morceau dont je ne vous dirai rien si ce n'est que son évolution et sa place dans le jeu sont fabuleuses. Attention, n'allez pas écouter la BO si vous ne voulez pas de spoilers !  
    



Le jeu donne donc une grande sensation de liberté via ses décors et aussi son concept puisque l'histoire propose plusieurs fins différentes, trois principales plus quelques variantes. Via son gameplay également. Il est non seulement possible de faire les énigmes dans n'importe quel ordre ou presque, d'en quitter une pour y revenir plus tard en retrouvant les choses comme on les avait laissées, mais aussi de résoudre certaines énigmes de différentes manières. Ainsi, chaque façon de penser, chaque logique peut s'y retrouver et avoir sa propre expérience. Le confort du joueur est aussi pris en compte puisqu'on peut jouer à la première ou à la troisième personne.

Les énigmes se présentent donc dans des univers en plein air délimités comme des salles, accessibles via plusieurs jardins. Nous sommes petit à petit familiarisés avec les six mécanismes qui nous servent à les résoudre : connecteur, cube, ventilateur et autres trucs sympas. Ces derniers sont vite apprivoisés et se combinent au fur et à mesure de l'exploration pour nous donner un peu de fil à retordre... d'autant que certains peuvent avoir plusieurs fonctions différentes, simultanément ou non.

Cette liberté de cheminement suggère que la difficulté des salles n'est pas croissante mais aussi qu'on ne se lasse jamais puisqu'on ne sait jamais à quoi s'attendre ! Il est tellement plus tentant, après avoir passé 40 minutes dans une salle, d'en faire "une petite dernière" quand on sait qu'on peut tomber sur une bagatelle pliée en 10 minutes...




Au-delà de la conception de ses énigmes, son histoire est bien sûr l'énorme atout de The Talos Principle, tout comme la façon dont elle est racontée. Toujours dans cet esprit de liberté et de non-linéarité, nous en apprenons davantage sur notre identité et le contexte du jeu par nous-mêmes, à travers le décor : un ordinateur, des QR codes et des bandes audio, d'autant plus marquantes qu'elles constituent la seule voix que nous entendrons dans le jeu à part les rares répliques d'Elohim. Si la collecte de documents rébarbatifs et inutiles dans votre vie vidéoludique vous a fâché avec la lecture dans les jeux vidéo, rassurez-vous : elle est ici distillée à dose très supportable car elle est indispensable à la compréhension du scénario.

C'est donc ainsi que nous apprenons le pourquoi de tout ça : à travers des archives fictives mais aussi des extraits d'oeuvres mythologiques de tous bords très intéressants, mélangeant encore une fois le neuf et le vieux, qui sait, peut-être pour nous montrer la voie à suivre... ou pas...

Paradoxalement, The Talos Principle, c'est avancer tête baissée pendant 20 à 25 heures à travers une centaine d'énigmes tout en ne sachant pas vraiment sur quel pied danser en dehors de ces salles, au fur et à mesure que le mystère se fissure et que la vérité se rapproche. Il y a la véritable grande énigme du jeu, celle qui vous fera hésiter et qui n'a finalement rien à voir avec des connecteurs, des ventilateurs ou des sigils. Celle qui conditionnera la fin de votre aventure et vous fera encore un peu réfléchir à ce jeu, notamment aux questions qu'il soulève.


Photos : Devolver Digital / Croteam 

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