13 octobre 2013

Beyond : Two Souls - Du coq à l'âme


- Pas de spoilers -

Après la pluie d'éloges déversée sur leur précédent jeu vidéo Heavy Rain en 2010, le studio français Quantic Dream était attendu au tournant.
Logiquement, on retrouve dans Beyond : Two Souls ce qui a fait le succès de son prédécesseur : la réalisation cinématographique, les graphismes ultra-réalistes et un gameplay immersif. Mais David Cage et sa fine équipe ont-ils réussi à aller au-delà ?


Sans surprise, l'accent a été mis sur la réalisation. Encore plus que dans ses productions précédentes, le studio a brouillé les frontières entre jeu vidéo et cinéma : affiches construites comme celles d'un film, angles de caméra, absence de game over, musique de grands compositeurs, scénario soigné et casting de renom. En guise de modèles pour la motion capture, les acteurs inconnus sont remplacés par la jeune étoile montante Ellen Page (Juno, Inception...) et le trop peu exploité Willem Dafoe. Ils ont en fait été bien plus que des modèles puisque David Cage parle lui-même de "tournage" : l'intégralité des scènes du jeu ont réellement été jouées par les acteurs, équipés d'assez de capteurs pour retranscrire au mieux les détails de leurs visage et micro-expressions.
La qualité des graphismes et de l'animation est indiscutable. Les visages sont fascinants de réalisme, couplés à la capture précise des acteurs. Vraiment, deux ou trois fois, j'ai oublié que je regardais un code et pas de vrais gens. 



Dans les productions Quantic Dream, on n'a pas d'action à outrance. C'est parfois même un peu mou. On se concentre sur l'histoire et on nous fait incarner les personnages jusqu'à dans leurs gestes quasi-quotidiens et en faisant leurs choix. Là où Heavy Rain nous proposait de vivre la traque oppressante d'un tueur d'enfants du point de vue de 4 personnages, Beyond nous raconte 15 ans de l'histoire d'un seul personnage mais dans le désordre : celle de Jodie Holmes qui, depuis sa naissance, est liée par un cordon invisible à une entité qui peut traverser les murs, interagir avec l'environnement sans pour autant pouvoir parler à son hôte ni se matérialiser.

La trouvaille du gameplay, celle qui retranscrit encore mieux l'impuissance de Jodie sur le comportement de son compagnon, c'est qu'on peut jouer en coop' : un joueur pour Jodie et l'autre pour l'entité, Aiden. C'est comme ça que je l'ai fait et c'est vraiment pas mal, si on joue le jeu et qu'on ne se concerte pas entre joueurs. On peut bien sûr le faire en solo et incarner les deux "facettes" mais l'intérêt est moindre : mon Aiden n'aurait pas été le même que celui de mon coéquipier.


Que de bonnes choses, alors pourquoi j'ai mis ce titre à mon article ?
Le parcours de Jodie est rythmé, elle traverse des univers et des épreuves variés. On découvre ses origines au fur et à mesure, avec les séquences "enfance" distillées ça et là. D'ordinaire, j'aime beaucoup le pouvoir des narrations qui jouent avec la ligne du temps, notamment au cinéma (Retour vers le Futur, Pulp Fiction, Memento...). Mais là, ça m'a clairement empêchée de m'attacher au personnage. Les séquences s'enchaînent sans queue ni tête et ça part dans tous les sens, sans qu'on voit réellement l'intérêt de certains évènements.
D'ailleurs, j'ai trouvé que, malgré le dernier chapitre du jeu, la durée de ceux-ci étaient mal calibrée vis-à-vis de leur intérêt. Il y a cinq chapitres assez longs et trois d'entre eux m'ont vraiment gonflée au bout d'un moment. Les actions sont répétitives, tant pour Jodie que pour Aiden, et l'émotion ne se fait pas toujours sentir.

Venons-en au sujet épineux du gameplay. Les jeux récents et notamment ceux de Quantic Dream sont presque uniquement basés sur les QTE (Quick Time Events, c'est-à-dire devoir faire une manipulation dans un temps donné pour réussir le geste du personnage). Si l'immersion est basée sur eux dans les jeux de cette veine, ils n'en deviennent pas moins ennuyeux au bout d'un moment. Oui, couper des oignons, c'est marrant mais j'ai acheté Beyond : Two Souls, pas Léa Passion Cuisine.
Certains sont même vraiment mal foutus : on doit très souvent finir les gestes que Jodie a commencés, en poussant le joystick dans la bonne direction, et c'est très cool. Il arrive pourtant que la visibilité de la scène ne permette même pas de voir ce qui se passe... et on se foire.

J'ai aussi trouvé qu'ici, la surenchère de réalisme plombe un peu le jeu. D'accord, une personne normale ne se retourne pas en un dixième de seconde. Mais bon dieu que Jodie est lourde ! Elle est souvent difficile à diriger, elle est incroyablement longue à s'arrêter et à reprendre la marche.
Le parti pris du "faisons-le comme un film" comporte aussi ses quelques inconvénients : combien de fois je me suis retrouvée à aller dans la direction opposée à mon but lors d'un changement de caméra intempestif... Couplé à la lourdeur du personnage, je vous garantis que ça m'a provoqué quelques soupirs exaspérés.


La bande originale avait son petit budget puisque Hans Zimmer et Lorne Balfe (qui ont déjà travaillé ensemble sur la BO de la trilogie The Dark Knight) ont été désignés pour habiller le jeu après le décès de Normand Corbeil, compositeur de la musique d'Heavy Rain, BO qui m'a bien plus marquée que celle de Beyond.

Pourtant, je ne dirai pas que ce jeu est mauvais parce que j'y ai retrouvé un aspect que j'avais adoré dans son prédécesseur : ce concept de film interactif. Une conversation s'arrête, les actions/réponses possibles apparaissent près de Jodie et, absorbée, je mets souvent quelques secondes à percuter que c'est à moi de jouer. Les choix à l'importance croissante et la vingtaine de fins alternatives, voilà aussi ce que j'aime dans les jeux de Quantic Dream.


Au final, l'histoire de Jodie et Aiden est très belle. Elle est simplement parasitée par une ou deux séquences inutiles à mon sens, quelques personnages stéréotypés (Ryan...) et un gameplay pas toujours au point.
Comme je l'avais dit ici, je l'attendais, ce jeu. Alors ce n'est pas le jeu de l'année, c'est certain. Mais la performance vaut le coup d’œil.
  

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