03 novembre 2013

Batman : Arkham Origins - Première rencontre


- Pas de spoilers -

Quatre ans après Arkham Asylum et deux ans après Arkham City, c'est avec hystérie joie que j'ai repris la route de Gotham. A la manière des grandes sagas ciné, un jour où l'autre, les Batman : Arkham se devaient de parler du passé. Il y a beaucoup de choses à dire sur ce jeu : calez-vous bien, j'en ai fait une bat-tartine.


Ce que les amateurs de la série redoutaient pour ce volet, c'était le "court" délai écoulé depuis Arkham City (deux ans), soit-disant annonciateur d'un jeu bâclé. Allez comprendre, puisque qu'Arkham City lui-même avait succédé à Arkham Asylum après deux ans et deux mois. Non, la vraie source de frayeur, c'était que les anglais de Rocksteady, le studio à l'origine de la série, se retiraient pour laisser la place à Warner Bros. Games Montréal.
Enfin, je suis du genre à découvrir les choses sans apriori, d'autant plus que Paul Dini était encore au scénario, après avoir signé celui des deux premiers jeux Arkham et de la série animée des 90's.

Ce qui m'a plu en premier en lançant le jeu, c'est l'ambiance. Nous voilà projetés le soir du 24 décembre, six ans avant les évènements d'Arkham Asylum. Gotham est sous la neige et les intérieurs des bâtiments sont décorés pour les fêtes, ce qui rappelle immanquablement le décor feutré et fantastique du Batman : Le Défi de Tim Burton. Le contexte y est aussi décalé et sombre, puisqu'ici la tête de Batman est mise à prix le soir de l'année où la chaleur humaine est normalement à son paroxysme. La carte est presque deux fois plus grande que dans Arkham City et l'option de voyage rapide est la bienvenue. On retrouve avec plaisir des endroits connus, sous le ciel d'une autre époque.
Pourtant, au fur et à mesure qu'on découvre la ville, on sent qu'il manque au staff de Warner Bros quelque chose que Rocksteady avait mis partout dans son Gotham : la passion. Il y a beaucoup moins de détails et de personnalisation, les bâtiments sortent moins du lot et l'ensemble fait un peu "sale". Alors que j'ai passé des dizaines d'heures dans la ville-prison d'Arkham City, je sais déjà que je passerai moins de temps dans la ville-Noël d'Arkham Origins. Un non-sens.



Pour ce qui est du gameplay, j'ai vite retrouvé mes marques puisque rien n'a changé depuis Arkham City, ou presque. 
Les missions annexes sont toujours fournies. Les scènes d'infiltration sont moins nombreuses au profit des scènes d'action, ce qui m'a réjouie car j'avais trouvé les infiltrations de City répétitives sur la fin. Et disons-le, les boss, même s'ils n'ont pas trop de charisme, sont un plaisir à battre quand il faut trouver une nouvelle façon de faire à chaque fois ! Pour garder l'équilibre action-réflexion, on a droit à davantage de scènes de crime à analyser.

Sauf que tout -les scènes de crime et le reste- est gâché par un écueil jusque là évité dans les Batman : Arkham : la facilité déconcertante. La résolution des enquêtes est guidée de A à Z et on s'ennuie. Souvent, le retour dans le jeu après une cinématique est immédiatement ponctué d'une réflexion à voix haute de Batman sur la façon de passer tel ou tel obstacle. On n'a pas le temps de commencer à regarder ce qu'on doit faire qu'on nous dit déjà comment il faut le faire. Frustrée, j'ai plusieurs fois sommé Batou de la fermer (mais il n'a rien écouté). Même combat pendant les scènes de bagarre, où on nous déconcentre en nous assommant de combinaisons à effectuer pour faire telle action (des actions qu'on a fait 6000 fois par jeu depuis Asylum). J'ai vite désactivé les Astuces dans les options pour avoir la paix. Sauf que c'est tout ou rien et je me suis retrouvée à enchaîner les échecs pendant 10 minutes sur une scène alors que la combinaison à trouver était tout sauf évidente. Non content de nous assister et de nous punir si on désactive l'assistanat, Warner Bros nous prive des énigmes de l'Homme Mystère en mission annexe, soit de 90% de l'intérêt d'explorer la ville.


Mais vas-tu te TAIRE ??!

En parlant de l'Homme Mystère, j'ai apprécié qu'on change un peu de catégorie en matière de méchants. Fini les éternels Catwoman, Mr Freeze, Poison Ivy. Le Pingouin et Killer Croc sont anecdotiques... Un peu de sang neuf, ça fait du bien. 
Malheureusement, on a encore la preuve dans le développement des personnages que le studio s'est souvent contenté du strict minimum, à savoir les faire apparaître. L'Homme Mystère (aka Edward Nigma aka E. Nigma aka Le Sphinx) est ici appelé Enigma. Bon.
L'ennemi avec lequel on plante le décor et qui reste un bout de temps dans la ligne de mire de Batman est Black Mask, que j'avoue avoir connu seulement de nom avant de faire le jeu. Et après aussi, en fait : on n'apprend absolument rien de lui à part son nom de naissance et on doit se rabattre sur Wikipédia si on a envie d'en savoir un peu plus sur lui.
Les autres méchants, qui traquent Batman pour gagner la prime mise sur sa tête, sont présentés à la chaîne au début mais ne sont pas plus creusés que ça. Ce qui est dommage, c'est que Firefly est le plus ridicule et inintéressant d'entre eux et que c'est sur son cas qu'on nous fait passer le plus de temps.

Dans l'optique d'humaniser un peu le Chevalier Noir puisqu'il n'est pas encore un héros aguerri, on voit enfin celui sans qui Batman ne serait pas tout à fait Batman, celui qu'on ne faisait qu'entendre dans les premiers jeux, Alfred le majordome de tous les temps. Alors c'est simple : tout en lui est raté. Son visage est antipathique, son utilité est relative et son doublage français est inadapté et sans aucune classe.


Du côté de la technique, quelques points m'ont aussi un peu agacée.
Certes, contrairement aux progrès peu concluants entre Asylum et City, l'intelligence artificielle des ennemis a été grandement améliorée dans Origins. Lors des scènes d'infiltration, les gars ont maintenant beaucoup moins tendance à continuer sur leur trajectoire à partir du moment où Batman se poste pour les choper. Ça m'a valu quelques sourires, j'ai vraiment eu l'impression agréable à ce moment-là que je jouais avec eux. J'ai aussi été surprise de voir une gargouille se faire exploser par les ennemis au moment où j'allais m'accrocher à elle.
Mais ce qui m'a valu quelques autres sourires moins flatteurs pour le studio, ce sont les bugs très présents dans le jeu alors qu'on était habitué à quelque chose de parfait. Pour ma part, l'avancement de l'histoire est passé de 90% à 81%, le jeu rame méchamment (assez pour devoir rebooter) sur quelques scènes extérieures et surtout, les ennemis vaincus ont tendance à bugguer de façons variées : informateur impossible à interroger, corps qui traverse le mur et un magnifique cas de voyou increvable, ci-dessous, immortalisé par mes soins.


Oui, je suis sarcastique, je râle, on dirait que je suis déçue.
Arkham Origins pompe les acquis de ses prédécesseurs sans leur arriver à la cheville mais pour moi, il est meilleur qu'eux sur un point non négligeable : son scénario.
Si on pouvait reprocher aux précédents volets leur sérieux et les punchlines un peu convenues de Batman, Origins distille quelques pointes d'humour supplémentaires sans tourner au ridicule. Mention spéciale à l'Electrocuteur.
Côté émotion, bien que certaines scènes soient expédiées un peu trop rapidement pour vraiment emporter le joueur, elles ont quand même leur potentiel pour elles. Je pense notamment à la dernière séquence du jeu et à une scène dans la Batcave, qui touchent toutes les deux à la quintessence de certains relations de Batman maintes fois dépeintes mais rarement aussi justes, tous médias confondus.

De la même façon, j'ai découvert avec surprise un Joker différent d'Asylum et City, loin du kitsch de Jack Nicholson ou du lourdingue bruyant de la série animée. Celui-ci a plus de nuances, il est comparable à celui d'Heath Ledger dans The Dark Knight ou à celui de l'excellent animé Batman : Under The Red Hood. Un mec malsain et fascinant. Mark Hamill et Pierre Hatet, doubleurs historiques du Joker, ont été remplacés par Troy Baker et Stéphane Ronchewski, qui n'est autre que le doubleur français... du Joker d'Heath Ledger. Tout bon pour moi.


J'ai également beaucoup apprécié les clins d’œil aux évènements futurs (y compris dans le générique de fin) sans pour autant qu'on en fasse des caisses, ces petits détails qui comptent quand on connait l'univers de Batman mais sur lesquels on ne nous colle pas le nez pour nous dire "Tu vois, ça c'est important parce qu'il se passe ça après...".
La fin est un peu rapide mais, comme toutes les amorces dispersées dans le jeu, elle donne envie d'une seule chose : (re)voir la suite. Et si ça, c'est pas un bon préquel, je ne sais pas ce que c'est.

Enfin, le soin apporté à la musique me fait dire que Batman : Arkham Origins est un très bon jeu plein de bonne volonté malgré ses défauts. La bande originale est du compositeur de Batman : Under The Red Hood (vraiment, voyez-le). Christopher Drake signe une autre BO excellente pour l'Homme Chauve-Souris. Et elle résume parfaitement mon impression face au jeu dans son entier : on ressent autant l'esprit de Batman, ce n'est juste pas le même Batman que dans les jeux précédents.

Ce jeu, ces méchants, ce Gotham et ce Chevalier-là sont plus inattendus, plus imparfaits, plus durs, plus sombres. Plus vrais.

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