21 mai 2014

American Nightmare - Allez, bonne soirée !


- Pas de spoilers - 

Que ce jour reste à jamais gravé dans vos mémoires comme celui où... j'ai envié un titre de film québécois. Sobrement intitulé La Purge au pays de Céline Dion, The Purge a été rebaptisé American Nightmare chez nous. Sorti en été 2013, il s'agit clairement d'un film concept assez court (1h26) qui m'a alpaguée avec son pitch et pourtant, il est plutôt passé inaperçu, malgré des critiques plutôt bonnes et la suite prévue cet été au cinéma.


Nous sommes en 2022. Aux Etats-Unis, depuis quelques années, les gens sont heureux, le taux de criminalité est ridiculement bas et l'économie se porte mieux que jamais. Par quel miracle ? Le gouvernement a voté un décret qui lève toutes les interdictions une nuit par an : pendant 12 heures, le crime (y compris le meurtre) devient légal et les services d'urgence sont suspendus, tout cela afin de permettre aux citoyens d'assouvir leurs pulsions et de se comporter de façon exemplaire le reste de l'année.
James DeMonaco, réalisateur et scénariste, a eu cette géniale idée grâce à sa femme, avec laquelle il a failli avoir un accident de voiture à cause d'un chauffard. "Quand nous sommes repartis, ma femme m’a dit : ‘Si seulement on avait droit à un meurtre, une fois par an.’ Ça m’a choqué (...). Et ça n’est pas sorti de ma tête". Plus tard, pendant un séjour au Canada, il réalise que les faits divers y sont bien moins violents qu'aux USA et que les Américains ont un rapport particulier à la violence.

Avouez que le concept de départ est assez simple et intéressant, en tout cas c'est le genre de film d'anticipation qui me botte toujours. Nous vivons donc la nuit de la purge, du 21 au 22 mars 2022, à travers une famille bourgeoise qui s'est enrichie grâce au travail du père (Ethan Hawke) : la vente de systèmes de sécurité high tech, un commerce directement lié à la purge annuelle, bien évidemment. La mère (Lena Haidey) semble distante mais résignée concernant la purge et se consacre au bien-être de ses deux enfants. Vu sa longueur, le film ne nous noie pas en amont de détails sur la création de la loi ou sur le fonctionnement de l'évènement, nous les découvrons au fur et à mesure que la nuit se déroule. Le coup d'envoi de la purge est, je crois, mon passage préféré du film (il me rappelle les couchers de soleil dans Je suis une Légende) : vraiment bien foutu, tendu à souhait, effrayant de sobriété et de réalisme. Je crois bien que je suis restée alerte et complètement immobile quelques secondes, comme les personnages. On ne sait pas à quoi s'attendre, on sait simplement qu'à partir de maintenant, ça craint méchamment dehors. Le message qui défile à la télé et la sirène font tellement vrais, tellement américains... Ça me fait froid dans le dos rien que d'y penser.



Vous vous en doutez, la nuit ne va pas se passer comme prévu et les personnages ne vont pas rester bien longtemps en sécurité. Et j'ai envie de dire qu'ils l'ont cherché. Parce que malgré leurs précautions et leur sérieux... Dieu qu'ils sont stupides (surtout les enfants...) ! Après une introduction prometteuse, le film vire rapidement à la série B, avec des jumpscares attendus à 3km et des comportements illogiques. Les quatre personnages, dont deux enfants, je le rappelle, passent leur temps à se séparer dans la maison, parfois à la limite du ridicule. 

Ils ont aussi un instinct de survie assez minable. Je veux dire, quand tu te caches d'une menace mortelle, même s'il fait nuit noire, tu n'agites pas une lampe torche dans tous les sens pour essayer de voir la dite menace. Bien sûr, séparer les personnages offre des ramifications à l'histoire, surtout dans ce genre de films. Les Scream, par exemple, qui ont la particularité de jouer avec les codes de série B, sont aussi basés sur les différentes péripéties des protagonistes mais quand les gens sont séparés, c'est souvent sans l'avoir fait exprès. La séparation volontaire des personnages dans les films "d'horreur", c'est juste le plus gros sujet de raillerie, celui que tout le monde connaît et tourne en dérision. Dans American Nightmare, on se roule volontiers dans la fange du cliché, sans second degré. Hop là.

Et pourtant.

Je commence à développer une fascination pour ce film car tout n'est pas à jeter, bien au contraire. Je dirais même qu'il est assez hypnotisant, parce qu'on est projeté dans un monde que l'on connaît et que l'on ne reconnaît pas. L'action se situe 9 ans dans le futur, autant dire demain : pas de futurisme, aucun changement technologique ou scientifique majeur, de ceux qui servent les récits d'anticipation classiques. Le changement est amené par les esprits et bizarrement, il ne semble pas si surréaliste. Surtout quand l'action se situe aux Etats-Unis, avouons-le. 
D'autre part, comme toutes les oeuvres (souvent historiques) traitant de morale, on se pose toujours la question de savoir ce qu'on ferait dans la même situation. Comme le dit si bien mon ami Jean-Jacques :

On saura jamais ce qu'on a vraiment dans nos ventres
Caché derrière nos apparences
L'âme d'un brave ou d'un complice ou d'un bourreau?
Ou le pire ou le plus beau ?
Serions-nous de ceux qui résistent ou bien les moutons d'un troupeau
S'il fallait plus que des mots ?

Alors évidemment, on se plait toujours à se dire que nous, on résisterait à la pression, qu'on ne commettrait pas d'atrocités peu importe la situation, qu'on resterait droit et la plupart du temps, on y croit. Sauf qu'entre laisser mourir un inconnu et risquer de tuer sa propre famille, dans l'adrénaline, dans l'urgence, dans l'instinct, dans la réalité, le choix ne serait peut-être pas si difficile qu'on voudrait se le faire croire. Je parle d'instinct, c'est bien sûr l'un des sujets principaux traités dans The Purge puisque cette nuit a précisément pour but de laisser sortir l'animal humain pendant quelques heures et ce qui dérange, c'est notre propre nature. On nous met bien le nez dedans : on marche, on parle, on a inventé internet, on frime mais on reste des animaux soumis à nos instincts.
Ce qui effraie aussi beaucoup, c'est la facilité avec laquelle les gens ont accepté le concept de meurtre autorisé et celle avec laquelle ils le perpètrent, se convaincant du bien fondé de la chose en sortant la carte "c'est de la vermine à nettoyer" ou "c'est notre devoir". Je propose maintenant que l'on compte ensemble les guerres déclarées depuis la nuit des temps pour voir à quel point cet aspect du film n'a malheureusement rien de fictif.


Même si la plupart des gens qui prennent part à la purge sont des personnes comme vous et moi, on a aussi affaire à certains énergumènes un peu grillés du bulbe, qui font de la violence une fête, rappelant sans mal la bande d'Alex dans Orange Mécanique.

Le dernier quart du film laisse présager une fin extraordinaire, à laquelle j'ai crue pendant plusieurs minutes. Cependant, il n'en est rien et c'est pas plus mal. The Purge y gagne en cohérence car il est plus réaliste sur son final que dans certains autres passages. En effet, dans la vie, on a rarement des dénouements spectaculaires comme dans les films, je crois que sinon l'Humanité serait devenue folle. Même si elle l'est sûrement déjà un peu...


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